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ZBB est l’acronyme de Zero-Based Budgeting. Derrière cet acronyme, se cache une idée toute simple mais oh combien puissante : démarrer d’une feuille blanche. Cette pratique, qui à l’origine était utilisée pour augmenter l’efficacité d’actifs physiques (bureaux, centres de production) se répand dans les fonctions marketing et communication, comme l’a démontré récemment Unilever en l’utilisant massivement pour restructurer ces fonctions.
Souvent, tout ce qui est simple et efficace se heurte aux conservatismes. C’est exactement le cas avec la pratique du ZBB appliquée aux investissements en marketing et communication, dont les « budget owners » sont très silotés dans le monde de l’entreprise. Quand on raisonne du point de vue du consommateur et qu’on regarde l’univers de touchpoints qui interagit entre les consommateurs et les marques, cela va même au-delà du marketing et de la communication, pour comprendre notamment la partie commerciale. En effet, une « liste » de touchpoints couvrant 100% de la dépense marcom va inclure les « disciplines » suivantes : les médias, le digital, toute la « shopper experience », la promotion, le CRM, mais aussi les actions RSE, le sponsoring, l’évènementiel, les RP.
Le croisement entre la nature humaine, par essence défensive, et la pratique budgétaire des entreprises où l’on assigne un budget par discipline, rend inévitable une approche incrémentale d’une année à l’autre. On défend un budget qu’on essaye si possible d’augmenter, pour asseoir plus fortement son empreinte au sein de l’entreprise, voire son « rayonnement » personnel en dehors.
Une des conséquences directes est qu’on en arrive à des empilements de prestataires qui, quelque part, répondent rationnellement à cet état de fait en « pitchant » pour telle ou telle discipline. Unilever révèle qu’au début du processus de ZBB, ils étaient en relation avec près de 3.000 agences !
Avant de parler de process ZBB dans le marketing / communication, il faut insister sur une condition sine qua non de sa réussite : une volonté clairement exprimée du top management d’engager la démarche. Sans cette volonté, le process ZBB n’a aucune chance d’aboutir. Les silos l’auront enterré à vitesse grand V.
Pour initier la démarche, il faut commencer par organiser un workshop qui réunit les décideurs des différentes disciplines citées précédemment, auxquelles il faut rajouter la finance, le tout sous l’autorité de la direction générale qui doit jouer à plein son rôle d’arbitre et de décideur en dernier ressort. Car si l’exercice est par essence collaboratif, il faut qu’il soit également conclusif.
Un workshop pour faire quoi ? Le ZBB en marketing / communication consiste à construire un plan de communication intégré en partant – littéralement – d’une feuille blanche. Dans les grandes lignes, les étapes du workshop sont les suivantes :
- Alignement sur la plateforme de communication : on s’aperçoit souvent, dans ce genre « d’assemblée », que l’histoire de marque qu’on veut véhiculer n’est pas forcément partagée par tous de la même manière et/ou que sa formulation est trop « molle » car trop consensuelle. Il n’y a pas de plan de communication sans une vraie histoire à raconter.
- Choix des 2 ou 3 touchpoints qui ont la responsabilité de porter prioritairement l’histoire, tels les héros d’un roman ou d’un film. Ce choix d’un nombre restreint de « héros », appelés pivots, est loin d’être trivial : c’est une décision stratégique structurante. Plusieurs paramètres doivent rentrer en ligne de compte dans ce choix (l’influence catégorielle des touchpoints, l’équilibre entre l’attitudinal et le comportemental, …), mais ceci dépasse le cadre de l’article.
- Choix des touchpoints dits supports (les rôles secondaires en quelque sorte) dont l’objectif est de couvrir les étapes importantes du « customer journey » et éventuellement de toucher certaines cibles spécifiques. L’ajout de ces touchpoints doit se faire en synergie avec les touchpoints pivots, en explicitant clairement la nature des liens.
- Elimination ou redéploiement des activités sous le seuil de visibilité.
On obtient un plan « less is more », avec moins d’activités (de 30 à 50% inférieures au nombre initial), mais beaucoup mieux investies. Selon l’objectif du top management, l’exercice peut se faire à budget constant ou il peut viser à réduire les dépenses d’un pourcentage cible.
Au final, les bénéfices sont très puissants :
- Au niveau managérial : une colonne vertébrale partagée par toutes les parties prenantes, un échange et un alignement réalisés en un temps record, une feuille de route claire pour chaque activité retenue (on en revient bien sûr aux disciplines, mais cette fois-ci c’est au service d’un plan transversal coopté par tous).
- Au niveau de la performance : les marques ainsi redéployées gagnent fortement en efficacité, sous réserve, et c’est très important, que l’exécution du plan soit à la hauteur.
- Au niveau des prestataires : généralement recentrées sur un plus petit nombre d’agences, les relations de travail sont plus productives et moins ouvertes aux aléas des multiples propositions venant de toutes parts et que l’annonceur sait difficilement filtrer objectivement. On peut penser que ces propositions sont source de créativité, mais la plupart du temps c’est une source de dispersion et de lancement d’initiatives sous le seuil de visibilité. Il vaut mieux concentrer la créativité sur les activités ayant passé le test du ZBB. Pour faire simple, en prenant l’analogie du tennis, avant de savoir comment faire un passing en frappant la balle entre les jambes dos au filet (un tweener), il vaut mieux que le coup droit, le revers, le service, la volée et le jeu de jambes soient excellents. Vous gagnerez beaucoup plus de matchs !